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Pôle YO CONTIGO
16 mars 2009

2ème lettre de nouvelles de la 4ème phase

Antananarivo le 16 mars 2009

Notre dernier rendez-vous épistolaire date d’un mois et demi, où en sommes-nous ? Si de loin vous ne comprenez pas ce qui se passe à Madagascar, soyez rassurés, nous non plus ! La formule est un peu exagérée mais elle reflète assez bien le sentiment général. Prenez 3 journaux, (francophones de préférence si vous êtes vazaha*) de ceux qui peuvent encore paraître, écoutez RFI et allez faire un petit tour sur Internet. Les informations relatées sont si contradictoires que vous êtes bons pour la migraine si vous essayez d’y comprendre quelque chose. Entre affirmations, rumeurs et démentis où est la vérité ?

* (« étranger » en malgache)

Cela prêterait à sourire si les conséquences n’étaient aussi dramatiques pour la population. Tous les domaines de la vie des Malgaches sont affectés : travail, scolarité des enfants, déplacements, pouvoir d’achat, amitiés, opinions personnelles qui peuvent faire de vous la cible de l’un ou l’autre camp. Mieux vaut ne pas avoir dans son voisinage immédiat un personnage politique, des entreprises ou des espaces commerciaux ou tout autre symbole de richesses si vous ne voulez pas être victimes de dommages collatéraux lors des pillages et autres exactions.

La pauvreté est instrumentalisée, alors que ceux qui en souffrent sont paradoxalement les premières victimes de ce conflit. A cause des emplois perdus, même précaires, le kapok* de riz des pauvres restent désespérément vides. Voilà un tableau bien noir qui ressemble au ciel, juste avant l’orage...

* (Mesure usuelle du riz équivalent à environ 350 gr) 

D’un tour d’horizon général, qui n’est toutefois pas sans incidences sur le reste,  revenons à ce qui nous intéresse et qui est la raison de notre présence ici à Madagascar : « Tsaratànana ».

Nous pouvons dire, enfin une éclaircie dans le ciel sombre, que tout va pour le mieux. Les matériaux, en général, ne manquent ni en quantité, ni en diversité. La seule difficulté est que par peur des pillages, les entrepôts et magasins ferment à la moindre alerte et cela pose des problèmes d’approvisionnement. Il faut trouver la bonne « fenêtre » d’ouverture et s’adapter... toujours s’adapter.

Sinon, les travaux de finition de la maison communautaire avancent bien. Les hommes ont bénéficié d’une formation à la pose et aux finitions du PLACOPLATRE donnée par Joaquim. Ils sont très emballés. C’est spectaculaire et pas courant ici.

Njaka, un de nos maçons a réalisé une superbe cheminée en briques dans la salle polyvalente dont il est très fier. Vous vous demandez sans doute : « mais à quoi peut bien servir une cheminée à Madagascar ? » D’abord, c’est convivial, ensuite, sur les Hauts Plateaux, on ne dit pas non à une petite flambée durant la période hivernale ; même dans l’hémisphère Sud.

Les branchements électriques sont presque finis, même si pour l’instant l’énergie sera fournie par un groupe électrogène. L’électricité de la JIRAMA (EDF locale) arrivera bien un jour.

Après une formation, Norbert s’applique sur le jointement des briques sur les façades des maisons et des différents bâtiments.

Cette 4ème phase comprend beaucoup de finition dont plusieurs m² de peinture sur les murs et les sols de la maison communautaire et du centre de gestion sans oublier certaine maison. Nous avions une équation à résoudre : d’un côté ; il nous fallait de bons peintres, d’un autre côté nous avions plusieurs femmes qui peinaient à trouver des emplois où elles n’étaient pas exploitées ; le 8 mars n’a pas encore tenu toutes ses promesses .... Alors,  quelques femmes sont entrain d’être formées à devenir des professionnelles de la peinture et des finitions. Au début, les hommes ont regardé tout cela d’un œil goguenard et un rien sarcastique, traquant le moindre défaut. Aujourd’hui, ils doivent bien reconnaître que même si à la fin de la journée elles ont un peu de peinture sur le bout du nez, leur travail est en plein progrès et parfois mieux que certains hommes, ça on le dit tout bas pour ne pas les vexer. Leur formation, tout comme leur « collègues »,  fera l’objet d’une validation d’acquis avec la délivrance d’un certificat. Il paraît que des femmes dans le bâtiment, à Madagascar, c’est aussi une révolution ! Mais celle là,  a les couleurs de l’arc en ciel.

Dans la lettre précédente, nous vous avions promis de vous présenter un peu mieux nos 2 entrepreneurs, pionniers dans la pépinière de micros entreprises.

Nous les avons interviewé, voici en premier le témoignage de Haingo qui gère l’épicerie et le salon de coiffure. Elle, son mari, Josoa et leur petite Kanto sont entrés dans le projet « Une Famille, Un Toit » lors de la seconde phase, il y a bientôt un an :

CAP ESPERANCE : « Haingo, tu as commencé ton activité depuis 4 mois maintenant, comment cela se passe-t-il ? »

HAINGO : «  Au début, pour l’épicerie, j’ai du trouver des fournisseurs, j’avais fait une petite enquête parmi les familles pour connaître leurs habitudes d’achats pour mes premières commandes. Aujourd’hui, ça marche bien, beaucoup de monde vient acheter »

C.E : « justement, d’où viennent tes clients, es-ce que ce sont uniquement les familles du quartier ? »

H. : « Non pas du tout »  NDLR  (là, Haingo, étend le bras et fais un large cercle qui englobe tout le paysage »),

«  Le « peuple » (c’est si mignon que je ne la corrige pas !)  vient de là et de là » (A ce moment, elle m’énumère plusieurs villages et fokontany environnant)

CE : « tes clients sont-ils réguliers ? »

H : « je les vois presque chaque jour. Ils sont contents de trouver ici l’essentiel de ce dont ils ont besoin. A cause des problèmes financiers, encore plus important depuis la crise, ils n’achètent que de petites quantités à la fois. La plupart vivent au jour le jour »

NDLR : et en effet, durant l’interview, quelques clients sont venus, ils achètent une ou deux cuillères d’huiles, quelques grammes de sucre ou de café, ½ bouillon cube ou l’équivalent de 2 tranches de pain. Je reste éberluée. Haingo elle, imperturbable remplit les divers récipients qui lui sont tendus pour mettre ces maigres denrées. Le cadeau de la maison, c’est son joli sourire qu’elle offre à tous, sans distinction.

CE : « Quels sont tes projets ? »

H : « j’aimerai faire quelques aménagements supplémentaires pour rendre l’épicerie plus attractive, des présentoirs extérieurs pour les fruits et légumes en particulier. »

CE : « Et la coiffure ? »

H : « cela a eu un peu plus de mal à démarrer, l’esthétique vient après les autres besoins. Mais maintenant, j’ai de plus en plus de clientes et de clients, surtout depuis que tu m’as aidé pour la déco »

Là, elle rit en regardant les photos de mode découpées dans des magazines et plastifiées pour faire plus « pro ». Mais ses clientes ne s’extasient même pas devant la photo de Georges Clooney (la seule photo d’homme que nous ayons trouvée). De toute façon, elles ne savent pas ce que veut dire « What else ? » et ne boivent pas de « Nescafé » !

Haingo bénéficie d’un accompagnement pour l’aider dans la gestion des stocks, la gestion et l’organisation de sa petite entreprise et dans la comptabilité.

Manitra, (se prononce Mandj) lui,  n’est pas issu du quartier. Il se présente en quelques mots :

« J’ai 36 ans, je sui célibataire. Je suis issu de la région d’Analamanga. Mon père était fonctionnaire alors j’ai eu l’occasion de vivre dans différents lieux de Madagascar. J’ai un niveau bac+2 en mécanique. Je n’ai jamais vraiment exercé ce métier. Je me suis tourné assez rapidement vers le tissage de la soie. C’est un métier qui se pratique dans ma famille, surtout par les femmes, depuis 7 générations. Au départ, c’est ma grand-mère et de l’une de mes tantes qui m’ont initié. Ensuite, j’ai approfondi ma formation en passant par toutes les étapes : élevage des vers à soie, filature, teinture végétale et ensuite tissage. »

CAP ESPERANCE : « comment êtes vous passé de la soie aux matériaux de recyclage ? »

M. : « Récemment, j’ai fait une formation avec « Madacraft ». Ils m’ont sensibilisé à l’utilisation de matériaux de recyclage et au respect de l’environnement pour créer, à partir du tissage, des objets originaux. J’ai imaginé quelques modèles de ceintures à base de sachets plastiques et de bricks (type Tetra Brick). Je travaille à la création d’autres accessoires, de mode principalement. Avec cet organisme, j’ai reçu aussi une formation assez poussée pour diriger une entreprise : organisation, gestion, comptabilité et commercialisation de mes produits. Ma formation a été validée suite à la production d’un mémoire. »

CE : « comment êtes vous arrivés à Tsaratànana ? »

M : « J’avais envie de réaliser mon entreprise dans un cadre social, proche d’une association. Miza (Miza est la Présidente de Miara-Dia) qui était l’une de mes formatrices m’a parlé de « Tsaratànana » et du projet de pépinières de micro entreprises. L’idée m’a séduite et je sui venu. »

CE : « quels sont vos projets ? »

M : « Dans un premier temps, J’envisage de former quelques personnes afin de leur procurer un emploi. A plus long terme, j’aimerai construire un atelier plus grand qui me permette de mettre davantage de métiers à tisser et d’élargir ma production. »

CE : « quels sont vos réseaux de commercialisation ? »

M : « la vente locale en premier puis la vente en ligne via le réseau « Madacraft »

CE : « avez-vous complètement abandonné l’idée de travailler la soie ? »

M : « Non, bien sûr. J’ai dans mes cartons des projets de création de bijoux en soie »

Voilà, vous connaissez un peu mieux nos deux premiers locataires de la pépinière. (Leurs photos sont dans l’album). Nous espérons qu’ils seront bientôt rejoints par d’autres. Enfin dès que « les évènements » ou « la crise », deux expressions très familières à Madagascar en ce moment, seront réglés. Personne n’ose rien entreprendre et nous même, nous sommes bloqués dans nos différentes démarches. Tout cela est très frustrant. Nous avons les personnes au téléphone, mais aucun rendez-vous n’est possible : le centre de Tana n’est pas très sûr pour les « vazaha » et même pour les Malgaches d’ailleurs. Nos interlocuteurs n’osent pas s’aventurer hors de leurs bureaux, d’autant plus que certain ne savent même plus qui est la tête hiérarchique de leur organisation. Nous essayons tout de même de faire avancer les choses, mais ce n’est pas facile. Nous progressons malgré tout, pas aussi vite que nous le voudrions, dans l’organisation de la maison communautaire : crèche, point santé, médiathèques, salle polyvalente.

Mais dans tout cela, nous avons aussi nos petites gouttes de rosée : les premiers pas de Tsiresy, heureux comme le 1er astronaute sur la lune, les « 2 » que Willy, assis sur mes genoux, dessine dans mon agenda avec force discours que je ne comprends pas à son grand désarroi, Julio, son petit frère qui se déplace sur les fesses à la vitesse de l’éclair et Tsaratiana notre petite dernière que toutes les mamans s’arrachent comme un trésor pour la tenir dans leurs bras . Et comme ça plein de petites histoires de vie, des enfants, des parents et de nous au milieu d’eux. Vivant proches, travaillant ensemble tandis que tout s’agite là bas ... à Tana.

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